• Chapitre 4: La Lune et l'Obscurité

    • Chapitre 4: La Lune et l'Obscurité
       

      Obscure se releva calmement, son visage ne montrait aucune expression.
      Le voile noir de la nuit commençait à s'étendre sur les plaines enneigées, reprenant ses droits sur la nature, malgré quelques éclaboussures dorées qui résistaient.
      Quelques herbes qui persistaient sous les couches de neige se pliaient et luttaient contre l'assaut du vent destructeur.

      La jeune fille frémit. Ses lèvres se mirent à trembler sans qu'elle s'en aperçoive.
      La morsure du froid vint l'attaquer de plein fouet, comme si des centaines de crocs se plantaient dans sa chair.
      Un goût amère s'imposait dans sa bouche, ses yeux lui faisaient mal. Cette vague sensation de douleur emplissait tout son corps.

      Ombre se décida enfin à se retourner. Des larmes coulaient à flots sur les joues roses sans que la fille ne bouge. Ses yeux restaient figés sans pour autant regarder quelque chose.
      Sans broncher, le garçon se détourna de la scène et se remit en marche, vers des montagnes.
      Obscure le suivait, muette. Ses yeux étaient gonflés et rouges, mais le vent rabattait ses cheveux écarlates sur son visage.
      Les deux Maudits poursuivaient leur route sans prononcer un mot.
      Un chemin escarpé s'offrait à eux quand ils arrivèrent au pied de la montagne. Agacée, la jeune fille replia sa cape sur elle-même, se couvrant du mieux qu'elle pouvait.

      Le garçon qui marchait devant elle gardait une main sur l'étui de son sabre et jetait des petits coups d'œil furtifs aux alentours sans s'arrêter de marcher.
      L'éclat de la lune leur éclairait la route, la rendant plus facile.
      Obscure continuait sa marche de zombie et suivait le garçon sans regarder où elle allait.
      Un bruit de frottement résonna dans ses tympans et un éclair noir frôla la fille.

      Le sabre se planta dans la roche dure.
      Ombre s'approcha d'elle et la saisit une fois de plus par la taille. La portant comme un ballotin, il s'élança vers son arme et s'en servit pour se projeter dans les airs.
      Le garçon se redressa souplement et atterrit sur ses pieds, en haut de la falaise, et déposa la jeune fille.
      Les deux Maudits s'ignorèrent.

      Obscure préférait contempler le paysage. La clarté de la lune était dirigée vers un étang qui trônait paisiblement au milieu d'arbres. Des petites vaguelettes courraient sur l'eau translucide. Mais elle ne reflétait pourtant pas le rond de lumière.
      Les hululements d'un hiboux retentirent, perçant le calme de l'endroit.
      Pour la première fois depuis leur rencontre, Ombre examina la jeune fille.

      Il s'approcha d'Obscure et souleva la cape rouge, dévoilant le pentagramme noir. Des rayons de lumières surgirent de nulle part, inondant le tatouage qui luisait sur l'épaule frêle.
      La fille sursauta et arracha la main posée sur son épaule d'un coup sec.
      Le garçon lui fit un petit sourire, sans en penser autant, et la saisit par la poigne, l'entrainant vers l'étang.
      Il plongea, accompagné de l'autre Maudite.

      La jeune fille ressentit un choc en entrant en contact avec l'eau glaciale. Ombre l'attirait encore plus profondément tandis qu'elle luttait pour ne pas être aspirée vers les profondeurs.
      Un cercle de fer entoura son cou, l'étouffant et l'empêchant de remonter à la surface.
      Elle portait les mains à son cou sans réussir à faire quoique ce soit. L'eau la rejetait.
      L'étau se resserrait sur sa gorge.
      Obscure hoqueta et cracha toute sa réserve d'oxygène. Ses muscles se rétractaient, lui faisaient mal. Elle basculait.
      La jeune fille ne sentait plus ses jambes, comme paralysées.
      La douce lueur de la lune la narguait tandis que la vue de la Maudite se brouillait.
      La douleur s'estompait lentement.
      Des mains la saisirent. L'attirant inexorablement vers le fond.

      […]

      Ombre tirait Obscure vers lui. Ses bras fendaient l'eau rapidement, il prenait de la vitesse.
      Un tourbillon se dressa devant lui.
      Il s'engouffra dedans sans aucune hésitation et se fit aspirer.
      La pression était forte. Le garçon rattrapa de justesse la main de la Maudite qui s'échappait.
      D'un coup, l'eau s'évapora, laissant passer les deux Maudits. Ombre serra la fille avant de se laisser tomber. La chute ne dura qu'une poignée de secondes, avant qu'ils ne s'écroulent sur un tas de coussins.

      Trempé, le garçon se releva. Obscure était étalée sur la pile de coussins, les cheveux écarlate, emmêlés, recouvraient son visage.
      Une fille surgit brusquement de derrière une porte, accompagné d'une petite fille et d'un garçon.

      - Alyss ! Pourquoi as-tu fait ça ?! explosa Ombre.

      La plus grande lui jeta un regard interrogateur et se tourna vers la petite fille, impuissante.

      - Elle n'a rien fait, c'est le passage qui rejetait la nouvelle, l'eau d'Alyss n'y pouvait rien, rétorqua la petite fille.

      Le Maudit se détourna du groupe et leur laissa Obscure avant de rejoindre une autre pièce.

      […]

      Un visage pâle flottait au-dessus d'Obscure. Elle se redressa en sursaut, haletante, un bout de tissus humidifié tomba de son front, puis vérifia affolée son cou, le souvenir de l'étau la hantait.
      Une petite fille la fixait avec des yeux vides. Une masse de cheveux blancs tombait sur ses épaules, la blancheur de son visage était rehaussée par une fleur rouge qu'elle avait coincé dans son oreille.
      Une autre Maudite.
      L'enfant se releva et sortit de la pièce par une porte coulissante sans rien dire.
      Obscure était couchée sur un matelas posé à même le sol. Son épaule la brûlait, elle serra les dents.
      Une fille était assoupie sur un bureau, masquée par une touffe de cheveux verts.
      Elle repoussa la couverture qui lui tenait de plus en plus chaud et tenta de se mettre debout, sans succès.

      La Maudite aux cheveux blancs revint munie de deux cannes et accompagnée d'un garçon, les cheveux ébouriffés et violets. Encore un Maudit. Alarmée par ce nombre de Maudits, Obscure eut une poussée d'adrénaline et se remit sur pieds, ses jambes tremblaient violemment et la fille s'écroula une nouvelle fois, à genoux.

      - Pourquoi tu fuis ? Depuis quand les Maudits se chassent entres eux ? ironisa la petite fille.
      - Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé quand Cyan t'a emmenée ici, on essaye de comprendre pour le passage te rejetait. Mais pour l'instant, tu dois t'entrainer pour que tu puisses marcher à nouveau sur tes jambes, dit le garçon d'une voix plus douce que la petite fille, je m'appelle Ahmet et voici Kana.
      - Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas pour l'instant...murmura Obscure, les yeux baissés vers le sol.

      Kana tandis les cannes à la jeune fille, faisant mine de n'avoir rien entendu et retourna aux côtés d'Ahmet. Celui-ci jetait quelques coups d'œils inquiets vers la Maudite, affalée sur une pile de livres.

      Les heures passèrent sans qu'Obscure puisse utiliser correctement ses jambes, mais elle persévérait dans sa tâche. Des gouttes de sueur perlaient sur ses tempes et la chemise de nuit qu'on lui avait prêté était trempée, tant elle persévérait dans sa tâche.
      Elle ferma les yeux et se concentra du mieux qu'elle put.
      Le visage d'Ahmet se rembrunit et il tourna son regard vers le sol. Kana, elle, regardait la scène les yeux écarquillés. Elle serra les poings et s'avança d'un pas vif vers la fille aux cheveux rouges pour attraper la main qui serrait de toutes ses forces un bâton.
      Un sourire timide s'installa sur le visage paisible de l'enfant. Kana était devenue un pilier pour Obscure.

      […]

      Ombre était assit, comme tous les autres Maudits, sur un petit coussin ocre. Obscure était assise, elle aussi, sereinement à sa droite.
      Des dizaines de Maudits attendaient la venue de l'ancêtre. Ombre lança un regard courroucé au géant qui riait de sa grosse voix.
      Un coup sec résonna et les voix se turent. Un vieil homme venait d'entrer dans la salle, sans que personne ne l'entende et avait rappelé à l'ordre les Maudits, d'un coup de canne. Tous les regards étaient braqués sur lui.
      Il s'assit à son tour sur un coussin doré, posé au milieu du rassemblement.

      - Bonjour à tous. Comme vous le savez tous le jour de la Chasse arrive bientôt. Il n'y a plus beaucoup de Maudits encore en vie, c'est pourquoi nous devons en sauver un maximum.
      La voix du vieil était à la fois douce et forte, fluide et dure. Il fut interrompu par celle d'Obscure, froide.
      - Et que faites-vous de nous, une fois «sauvés» ?
      - Rien.

     

     


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